Publié par : didier1 | 23 juillet 2008

La manif’

On y était!
C’était hier soir et on était plein d’entrain. Mon épouse était passée me prendre et a ma plus grande surprise, elle était d’accord d’aller a la manif’…
 
Il faut dire que la cause était on ne peut plus noble: la libération de Guilad Shalit!

Cette manif’, organisée à la base par une radio Internet francophone à Sion et dont le mot d’ordre avait été repris par de nombreux medias francophones qu’ils soient sur Internet ou d’organes de presse papier et jusqu’au message de soutien de Nicolas Sarkozy par l’intermédiaire de l’ambassade de France a Jérusalem…on avait de quoi penser que c’était du sérieux…

C’était sans compter sur l’exception culturelle française!

J’avais a titre personnel aidé le dirigeant d’un des sites Internet leader de ce marché du « feujland » à écrire son discours. Il s’agissait en l’occurrence de rassembler au maximum sur un dossier qui fait l’unanimité: appeler collectivement a la libération d’un soldat enlevé il y a plus de deux ans et dont la condition est extrêmement préoccupante selon la rareté des échanges autorisés.

 
 Foin des dissensions:

– entre droite et gauche;

– religieux et laïcs;

– sionistes religieux membres de « l’Agudat Hassendal », le club prestigieux des porteurs de « sandalé harim » hiver comme été;

– haredim, adeptes de la chemise blanche et du feutre noir de jour comme de nuit.
 
 Nous étions la pour Guilad et pour rien d’autre

Nous étions arrivés en avance sur l’horaire prévu car la circulation à notre plus grand étonnement était fluide et, si ce n’est les fumées des ‘‘mangalim’ ‘ dréssés sur les pelouses et le long des trottoirs qui bordent le Gan Saker avec son lot de voitures garées n’importe comment, on aurait pu penser que la vieille cite était déserte.

Nous avons même trouvé une place de parking à quelques dizaines de mètres du point de rassemblement, sur le « Kikar Tsarfat » (ça ne s’invente pas; Il existe une « Place de France » à Jérusalem), ce qui augurait plutôt mal quand au nombre des manifestants…

En effet, quelques dizaines de « francaouis » devisaient paisiblement autour de la fontaine ou nous avons posé notre séant, et j’ai dit à mon collègue:

– « On se croirait à Rome autour de la Fontaine de Trevi« , vous savez celle à laquelle on donne le dos, puis on fait un voeu et enfin on jette en arrière une ou plusieurs pièces de monnaie.

Il y avait quelques banderoles aux noms des organisations francophones et des pancartes arborant des messages divers et variés tels que :
 « Ingrid et Guilad, même combat! »

« No Guilad, no food to Gaza » ou encore

« Guilad à la maison vivant! »

Les radios feujs étaient présentes, il y avait même un reporter d’Arutz 2, la deuxième chaîne israélienne.

Puis on s’est dit avec ma moiti2 qu’il « faisait faim » et on a obliqué vers le SuperSol (prononcez « ShuferSal » en hébreu) le plus cher de Jeru pour acheter deux-trois babioles, enfin de quoi tenir le coup.
Quand on en est ressorti, la manif’ avait démarré sur les chapeaux de roues et à notre grande surprise, elle empruntait les trottoirs et non la chaussée!

On se serait cru en colo, en promenade jusqu’a la clairière pour un grand jeu en plein air, avec les flics en guise de monos. Le plus drôle fut lorsque le convoi du se réduire à sa plus simple expression soit à la file indienne lors d’un passage rétréci face au Gan Saker!
 
On ne disait rien, on ne criait rien… on tentait vaillamment de marcher en mangeant nos yoghourts et nos barres de céréales vitaminées. Puis on est passé sous un tunnel et quelques slogans ont fusé profitant de l’écho pour amplifier le volume.

Ca montait en pente, la sueur collait aux vêtements et l’impatience avait pris la place de l’incrédulité du démarrage du « cortège »…

Puis on s’est rassemblé sur une petite place carrée collée au « Bet Mishpat Haelyon », la Cour Suprême, et c’est une fois que tout le monde était la qu’on a compris que nous étions en fait très peu.

Combien?

Je ne les ai pas compté un par un (bien qu’avec un petit effort, j’aurais peu être réussi), mais a vue de nez (et ce qui me connaissent témoignerons de sa taille non négligeable) on était dans les 250, allez arrondissons à 260!

Peu, très peu, vu le battage médiatique depuis une semaine…mais visiblement tout un chacun francophone devait être occupé hier soir à de bien plus nobles taches!

C’est alors qu’on commence les discours…et là, le meilleur était devant nous!

Nous nous sommes assis avec ma femme et mon collègue sur un des petits murets de pierre qui entourent la place et le temps de serrer quelques pinces avec quelques compagnons d’infortune d’un soir, qui avaient comme nous choisi cette mission a priori possible, nous avons écouté attentivement les orateurs en sachant que mon collègue serait de clôture…ou tout du moins supposé l’etre!

Ca a commencé fort avec la lecture d’un lettre archi-tendancieuse qu’une femme avait envoyée a Mme Shalit, la maman de Guilad, ou elle mentionnait les pauvres mères de Téhéran, ce qui ne plus pas le moins du monde à « l’assistance biblique » qui sifflait a tout rompre.

Ca a continué avec un vieux briscard bien connu du circuit des « pro-sioniste bien planqués en France », un tantinet fachos de bon ton. Il a fait allusion à un reve qu’il avait fait:c’etait pendant la cérémonie à Beyrouth ou Amir Kuntar, récemment libéré après avoir purgé une peine de 30 ans dans les prisons israéliennes, et les officiels libanais du Hezbollah shiite, recevaient une tournée de napalm lâchée par deux avions de chasse a l’étoile de David…
On peut toujours rêver, condition que ce soit en silence ou au plus dans l’intimité. Mais face à la femme du consul de France qui avait parlé en termes de respect des droits de l’homme, de fraternité républicaine (la maman de Guilad est de nationalité française) et de solidarité nationale, ça faisait un peu désordre!

Puis l’organisateur y a été de son long couplet démagogue et hors sujet, ce qui a commencé a provoquer des remous dans la maigre assistante (très motivée malgré tant d’adversité, il faut le souligner).

L’orateur suivant a surpris tout le monde en expliquant qu’il était venu d’Ashdod avec un car de 60 personnes pour assister à une démonstration de soutien et pas a un forum politique. Ce sur quoi, il a invité ses ouailles à rejoindre le bus illico-presto pour un retour précipité…joignant le pas (de charge) a l’envoyée du Consulat de France  qui quittait l’esplanade en pleurs…de mieux en mieux!

Puis un rabbin a tenté d’expliquer en hébreu sans traducteur, ce qui n’était pas très habile en cette occasion, que de relâcher les criminels contre des prisonniers (ce qui venait de se passer il y a quelques jours en échange des dépouilles de deux soldats détenus depuis 2 ans), ne faisait qu’encourager ces criminels a perpétrer d’autres actes en territoire israélien et de plus de faire des émules qui se voudraient à l’avenir des héros au même titre que leurs pairs désormais glorifiés…

La tension était tombée, les rares personnes encore présentes déçues et fatiguées, les organisateurs avaient été débordés, et ma femme désormais à bout se proposait de prendre le bus pour rentrer seule au bercail. C’était le pompon!

Je tenais a raccompagner mon collègue qui habite Ramot après son discours de clôture et je négociais quelques minutes de miséricorde avec ma tendre et chère qui n’en avait plus guerre. Quand un chanteur a interprété en hébreu une version toute personnelle de « Lachazor habayta », ce qui était une fois de plus discutable, non sur le plat artistique, mais dans ce contexte incohérent et décalé de son propos d’origine.

On a fini sur une demie « Hatikva » reprise par les tremolos du chanteur (très motivé lui aussi!) et mon collègue a replié avec bonheur son discours et nous avons tracé la route pour récupérer la voiture et aller « fissa au pieu »…

Quelle soirée! Et surtout quel gâchis!

Assistance clairsemée, parcours chaotique, messages tronqués et manquant leur cible, organisateurs abattus et sensation de déroute totale et complète.

C’était ma première manif’ à Jeru depuis des années et peut-être la dernière.
La montagne a accouchée d’une souris.

Heureusement que le père et les amis de Guilad n’aient pu être présents, ayant eux-mêmes organisé une manif’ à Tel Aviv a la même heure…ils auraient pu se fâcher très forts en entendants de telles calembredaines et autres billevesées!

Nous survivrons à ce tikun de l’absurde, mais en se promettant d’avoir été « pris pour être appris »…

Ne dit-on pas qu’un imbécile est quelqu’un qui se trompe deux fois?

Quoi qu’il en fut, ma « kavanna », mon intention fut pure: être en empathie totale et complète avec une famille qui aurait pu être la mienne, surtout que mon fils à été libéré de sa promotion il y a quelques jours… comme ceux de la promotion de Guilad !

Je me contenterais dorénavant d’inclure Guilad dans mes prières au Créateur qui a décidé son enlèvement afin qu’il déchire ce décret et ordonne sa prompte libér’a Sion.


Réponses

  1. Eize Bassa!! comme on dit en hebreu…

  2. Debo,

    C’était un « trou dans l’eau » comme dirait ts grand-mère dans le plus pur style tune!

    Nous survivrons…seulement ça balaye un peu plus de la « tmimut » qui nous reste encore en tant que français assistes, désorganisés et frondeurs.

    Tu ne connaîtras jamais cette sensation, toi qui es plus israélienne que française et qui, par ton mariage et tes études, est bien ancrée dans la société israélienne bien plus pratique et pragmatique.

    Hatzlacha pour ton dernier examen,

    Ton pere qui t’aime

  3. 1 manif, 2 morts… 1 manif mal goupillee, qui montre la faiblesse de la communaute francaise, sa desunion, son inexistence, sa faiblesse… La mort de l’idee de communaute francophone organisee, si tant est que cela signifie qq chose…
    Le deuxieme grand perdant de la soiree, c’est Guilad Shalit lui-meme: la consul de France va pouvoir remonter a ses superieurs que t le monde s’en fout en Israel et que le sujet ne peut pas rassembler plus de 250 gars… Triste…

  4. Cher AX,

    Après bientôt 12 ans a Sion (le 31/07), ma conclu’Sion est la suivante:

    – « Il ne faut jamais confondre besoins et demandes », c’est un principe clé en psy…

    C.a.d que selon moi, les Français en Israël ont des tonnes de besoins, mais la plupart du temps ils ne les ont pas identifiés, reconnus et par le fait, ils ne peuvent être en demande.

    Ils ressentent un « mal être » latent, se plaignent de tout et de rien…et au finish ne font rien de « tachless » de leur vie!

    C’est le triste résultat d’une génération qui a bénéficié d’une éducation d’assistés issus dans un pays encore en forme financière…et qui peine a faire sa place au soleil dans un autre pays ou il faut jouer des coudes et ou la fermeté n’est pas un défaut…et ou l’argent ne pousse pas sur les autres!

    Alors, faire boire des ânes (tarté mashma) qui n’ont pas soif?

    Pas pour moi, j’ai deja ce qu’il me faut en magasin!

    Shabbat shalom ve sein gesund,

    Didier

  5. Cher Didier,

    Je ne fus pas present physiquement a cette manifestation de soutien qui bien evidement, a tout mon soutien.

    La raison est tres simple. j’etais persuade qu’il n’y aurai personne ou tres peu. La communaute francaise est egoiste. Tres peu de « francais » de la premiere generation n’ont fait le switch necessaire en arrivant ici.

    Je le voit tres bien dans la petote communaute dont je tente de m’occuper en tant que « gabai » dans mon yichouv.

    Un post sur le sujet me semble interressant.

    Ton ami

    Eliahou.

  6. Cher Eliahou,

    Je rentre en Eretz Hakodesh d’un sejour de 3 semaines en France a l’occasion des noces d’or de mes parents…et tente de toucher terre apres un vol de nuit des plus mouvementes.

    @+,

    Ton pote le gitan

    P.s: As-tu fini « Cent ans de solitude »?


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